Le groupe en psychomotricité
Décliné sous de nombreuses formes, soutenu par l’usage des médiations, trop idéalisé ou alors voué aux gémonies, pensé dans ses implications ou alors mis en place de façon par trop approximative, le dispositif groupal a toujours été entouré d’une aura particulière source de multiples questionnements. Des interrogations concernant les indications aux processus qui sous-tendent son déploiement, des éléments matériels du cadre au positionnement des thérapeutes qui en sont les garants, la réflexion reste toujours aussi vive à propos de ce dispositif particulier qui fascine et déroute et dont la potentialité soignante est tout aussi intuitivement perceptible que les effets désorganisateurs et mortifères dont il pourrait être la source…
La place que sont venus y tenir les différents médiums et approches technicisées, pensés dans le contexte de la thérapeutique, a rapidement permis d’ouvrir des passerelles d’une façon pourrait-on dire naturelle avec le champ de la psychomotricité. Les psychomotriciens ont alors été invités à penser et à utiliser le groupe, le plus souvent dans des contextes institutionnels qui constituaient déjà une enveloppe groupale évidente dans le rapproché assumé qu’elle autorise entre soignants et soignés. Mais les liens entre thérapie psychomotrice et groupalité, s’ils paraissent parfois évidents, engagent cependant à une réflexion à de multiples niveaux ce qui n’est pas sans complexifier ces ramifications et leurs implications. Parmi ces dernières, quelques pistes se dessinent : quelle place pour le corps et ses manifestations au sein du groupe ? Quel étayage reste permis par l’utilisation des médiations au cœur des processus qui le traversent ? Comment reprendre et élaborer ces derniers et comment la dimension psychomotrice trouve-t-elle une place dans cette dynamique ? Que vise, en tant que tels, les groupes à médiations corporelles, dans la tension qui les relie mais les oppose aussi parfois aux modèles et aux cadres psychanalytiques de l’approche groupale ?
Les textes présentés ici se proposent en tout cas d’ouvrir une nouvelle fois le débat sur un mode polymorphe, enrichi des expériences cliniques et inspirations théoriques de leurs auteurs.
L’interview de Jean Bernard Chapelier nous fournira elle, à partir des modèles psychanalytiques du groupe, un cadre théorique et clinique de référence qui ouvrira le champ des réflexions à venir, à partir du témoignage d’un parcours et d’une évolution de la pensée, transmises par un clinicien et un théoricien qui a pu mettre à l’épreuve les différentes données de ce qui se joue autour du groupe.
L’article de Noémie Thirant nous plongera lui par la suite au cœur de la clinique et d’un dispositif où la rencontre entre groupe et psychomotricité se fait par l’entremise de la danse, mettant en avant la notion de créativité autour de l’élaboration d’un objet commun qui sert au groupe de ligne directrice.
Ensuite, le travail de Claire Bertin proposera une vaste réflexion sur les rapports entre groupe et corporéité, étayé là-aussi sur une expérience clinique riche de perspective, à l’écoute des articulations entre les émanations de l’image du corps et leur incarnation dans le champ de la groupalité.
Fabienne Leplat, à partir d’un groupe intitulé « Autour de la marche », envisage quant à elle, dans une réflexion portée par des références théoriques plurielles et parfois issues de champs assez différents, des temps et des phénomènes groupaux qui peuvent servir de jalons et de repères pour comprendre, dans leur dimension la plus corporelle, les possibles étapes traversées par les groupes en psychomotricité.
Le travail de Didier Chaulet, inspiré par une solide orientation psychodynamique, met lui directement en avant le rôle et la place tenue par la médiation au sein même du groupe, comme support de la symbolisation et de phénomènes de co-création où s’articulent expérience motrice et émergences de représentations. Le cadre ici décrit vient alors servir de paradigme pour pouvoir penser ce type de liens.
Claude Broclain, Agnès Lauras-Petit et Catherine Potel nous proposent quant à eux de partager non sans enthousiasme une expérience groupale originale puisqu’elle s’étaye autour sur la dimension de formation et à partir de la relaxation. Le groupe y devient une expérience conçue et pensée comme support d’expériences inédites qui peuvent être par la suite intériorisées. Ces dernières sont dès lors disponibles pour trouver leur utilité dans d’autres espaces et à fortiori dans le cadre des prises en charge engagées comme thérapeute par chacun de ses participants dans d’autres espaces…
Enfin, Daniel Courberand, quant à lui, nous parlera de ce qu’il propose de nommer les groupes thérapeutiques à médiation corporelle, qui permettent un travail d’élaboration du côté de « l’agir expressif », modalité de traitement symbolique qui soutient l’expression corporelle tout en contenant la charge excitante et agressive qu’elle comporte et ce par le biais et le soutien du groupe…
Nous finirons ici ce numéro par un article hors thème : celui d’Anne Marie Latour qui envisage les liaisons possibles entre le domaine de la psychopathologie (et plus particulièrement celui des états limites) et de l’autre côté des éléments cliniques beaucoup plus directement liés à la sphère de la psychomotricité puisqu’ils concernent la latéralité. La problématique ainsi envisagée évite dès lors l’écueil des traditionnelles lignes de séparation qui pourraient concerner deux domaines à priori différents pour en montrer au contraire les implications et emboîtements réciproques, véritable plaidoyer pour la complexité des processus en jeu…
En vous souhaitant une excellente lecture…
J. BOUTINAUD p.2
J. BOUTINAUD p.4
Noémie THIRANT
Psychomotricienne, Service de Psychiatrie Infanto-Juvénile de Chartres.
A partir de l’expérience d’un groupe de danse mené dans un service de pédopsychiatrie, nous tenterons de comprendre comment le groupe thérapeutique dans son dispositif peut favoriser la créativité de chacun et aider dans l’élaboration de son fonctionnement psychique. Comment la création collective d’un spectacle de danse sera mobilisatrice dans l’émergence de la créativité individuelle du patient et dans la possibilité d’expression dans le domaine du corporel et de la pensée ?
Mots clés :
Groupe thérapeutique - Danse - Expression corporelle - Créativité - Création - Image de Soi.
Claire BERTIN
Psychomotricienne ; Danse-Thérapeute ; formée au psychodrame groupal et à la thérapie de groupe (CIRPPA, Paris) ; Formatrice en Structuration Psychocorporelle et Danse-Thérapie (ANTHR’ACCORD).
Pour contacter l’auteur : www.entresens.com
Peut-on envisager le groupe comme une matière, à l’image du corps, impliquant toute une organisation psychomotrice et spatiale ? Tel est l’enjeu de la réflexion menée tout au long de ce travail qui, d’une part questionne le rapport de corporéité que nous pouvons entretenir et vivre dans un groupe et d’autre part développe l’hypothèse de fonctions analogues entre la structure du corps et celle du groupe. A travers, entre autres, des notions de schèmes de mouvement, qui organise les premières dialectiques soi-monde extérieur ; de systèmes du corps comme la peau, apportant enveloppe et contenance, l’os donnant axe et direction au groupe ou encore la chair, c’est une véritable géométrie corporelle appliquée à l’espace groupal qui peut se construire.
Existerait-il une « manière » corporelle de comprendre et « d’être avec » le groupe afin de lire ses phénomènes et ses compétences à partir d’un autre point de vue : un regard psychomoteur ?
Mots clés :
« Corps groupal » - Matière - Articulation relationnelle - Peau groupale - Lecture psychomotrice du groupe.
Fabienne LEPLAT
Psychomotricienne, Formatrice. CAMSP/CMPP Firminy - 42700.
Pour contacter l’auteur : leplatpsychomot@orange.fr
Le groupe « autour de la marche » est une proposition thérapeutique de « psychomotricité de groupe » faite, dans le cadre du CAMSP, à de jeunes enfants présentant un tableau global de déficits graves. A partir de choix théoriques précisant les qualités thérapeutiques du groupe et de l’approche psychomotrice, un cadre / dispositif est proposé. La clinique présentée qui met en parallèle le déroulement du processus groupal et du processus psychomoteur soulève l’hypothèse d’une approche du groupe comme corps propre, comme corps psychomoteur.
Mots clés :
Psychomotricité de groupe - Processus thérapeutique - Processus psychomoteur.
Didier CHAULET
Psychomotricien (centre Claude Bernard), membre de l’institut de recherche et de formation pour l’approche psychanalytique des groupes d’enfants et d’adolescents (Cirppa).
En favorisant cette prévalence du regard sur le corps, la séance de psychomotricité, quand elle se réduit au tête à tête avec un enfant seul, risque d’imposer notre présence d’adulte comme un poids de réel trop fort, venant répéter les craintes d’empiétements subjectifs. D’où ce possible aménagement de la séance qui consiste à associer plusieurs enfants en même temps. La mise en groupe opérant un décentrement de notre position, puisque chacun d’eux passera aussi par le regard des autres pour nous voir. Une illustration de ce type de travail en petit collectif, avec de jeunes enfants, va servir à en préciser le processus, et les effets de changement attendus.
Mots clés :
Processus de groupe - Médiation - Fonctionnement instrumental - Espace de représentation - Investissements narcissiques - Investissements objectaux.
Claude BROCLAIN
Psychologue, psychanalyste membre de la Société Psychanalytique de Paris et de l’AREPS
83, rue st Dominique - Paris 75007
claude.broclain1@libertysurf.fr
Agnès LAURAS-PETIT
Psychomotricienne, Psychologue, Psychanalyste, membre de l’AREPS
8 rue du Commandeur, 75014 PARIS
8 rue Kervégan, 44000 NANTES
petitlauras@free.fr
Catherine POTEL
Psychomotricienne, membre de l’AREPS
33 rue de l’Yser, 92330 Sceaux
Tel 01 43 50 74 03
c.potel@free.fr
Les auteurs montrent l’intérêt d’un travail de relaxation analytique (Sapir) en groupe, en développant à la fois les aspects propres à la dynamique groupale et au processus créatif de la relaxation. Après avoir exposé et différencié le cadre institutionnel et le dispositif, ils décrivent les différentes phases de la méthode : induction, toucher, reprise et verbalisation. Ils soulignent comment s’entrecroisent les niveaux narcissiques et œdipiens dans le déroulement de la formation par la relaxation et de la formation à la relaxation.
Mots clés :
Relaxation - Groupe - Observateur - Identification - Induction - Toucher- Transfert - Contenant - Créativité.
Daniel COURBERAND
Psychomotricien, psychothérapeute, psychodramatiste au CMPP de Grenoble.
Chargé de cours à Lyon 1.
Les groupes thérapeutiques à médiation corporelle engagent les enfants dans un travail « sensationnel ». C‘est à dire qu’ils convoquent intensément tous les sens lors des débordements émotionnels, archaïques, pulsionnels, projetés sur le corps d’autrui . Il est alors nécessaire de les contenir, les métaphoriser et les transformer en un « agir expressif » sans danger , par delà la question de la destructibilité et de la violence interne qui se vit dans le groupe.
C’est le travail du thérapeute, c’est ce travail psycho-corporel qui est ici analysé comme un véritable travail de veille et de « psychomotricisation » des vécus groupaux.
Mots clés :
Groupe - Corps - Cadre symboligène - Identifications - Imaginaire - Fantasmatique - Destructibilité - Psychomotricité.
Anne-Marie LATOUR
Psychomotricienne. Service de Pédopsychiatrie de Libourne (33).
Les pathologies dites « limites » nous confrontent à une question théorique : celle de la définition des impasses corporelles de ces patients comme un trouble neurodéveloppemental, un trouble psychomoteur ou un symptôme névrotique. Cette question théorique sera abordée notamment dans une démarche empirique à travers l’exploration d’une observation et du traitement d’une petite fille présentant une impossibilité de coordonner efficacement droite et gauche. La compréhension que nous aurons de ces signes corporels déterminera la nature d’un traitement en psychomotricité approprié.
Une approche thérapeutique, elle-même empirique (par essai-erreur) et sans cesse ajustée semble la plus à même de permettre la lecture et l’évolution de cette pathologie.
Mots clés :
Etats-limite - Latéralité - Démarche empirique.