VARIA
Le champ de la psychomotricité sous des formes variées
Nous introduisons ce premier numéro Varia par un article remarquable du philosophe Bernard ANDRIEU qui propose une analyse des types de récit du corps dans la littérature. Bernard ANDRIEU mène depuis plusieurs années une réflexion sur l’épistémologie du corps et les pratiques corporelles qui mériterait d’être beaucoup plus diffusée qu’elle ne l’est actuellement au sein de la profession. Gageons que les psychomotriciens(nes) sauront trouver, dans ce texte d’une rare densité et profondeur, une réflexion qui fait écho avec l’éthique de nos pratiques ainsi que le goût de (re)découvrir la force d’une pensée en perpétuel mouvement.
Les travaux de recherche clinique en psychomotricité sont rares et l’article de Wilfrid DEGAS nous rappelle, s’il en était besoin, la nécessité d’objectiver nos hypothèses cliniques. En articulant, dans une recherche menée au sein d’une crèche, agressivité et organisation de l’enveloppe corporelle, Wilfrid DEGAS propose une lecture originale d’une problématique souvent cliniquement observée mais plus rarement objectivée.
Françoise GIROMINI nous livre avec ce texte issu d’une conférence organisée sur les fondamentaux en psychomotricité un point de vue historique et philosophique. Nous ne pouvons que solliciter nos collègues et plus singulièrement les plus jeunes d’entre eux à lire avec attention l’histoire et les fondements d’une profession qui puise ses racines dans la rencontre heureuse entre la recherche et la clinique. Au-delà de l’histoire de la profession et de son évolution Françoise GIROMINI nous propose une voie de réflexion pour l’avenir. Qu’elle en soit ici remerciée à la mesure de son immense engagement pour la profession.
Avec Anne Marie LATOUR nous faisons retour à la clinique, ici en l’occurrence la clinique de l’image du corps que cette auteure explore depuis plusieurs années avec une minutie clinique et une rigueur théorique rare. En postulant un Moi-Tuyau comme précurseur du sentiment d’axe et d’enveloppe corporelle Anne-Marie LATOUR nous fait avancer dans notre compréhension des états archaïques. Les propositions théoriques avancées ne se limitent pas à la seule clinique de l’autisme mais nous donnent à penser autrement certaines pathologies comme l’alcoolisme, la boulimie ou l’anorexie. Nous engageons vivement nos collègues à poursuivre cette réflexion et à « tester » la valeur heuristique de cette hypothèse forte dans les champs cliniques où la problématique de l’image du corps est centrale.
Bérengère TONNOT et Corentin GIDROL nous proposent de partager l’histoire d’un dispositif psychodramatique au sein d’un pôle de psychiatrie du sujet âgé.
L’engagement initial qui inaugure les séances de psychodrame groupal et que nous laissons découvrir aux lecteurs représente à nos yeux un modèle condensé de ce que constitue toute proposition thérapeutique : une invite à la narration et à la symbolisation des effets de la rencontre. Au plus près de la clinique les réflexions engagées sur le dispositif employé et ses effets attendus nous démontrent la nécessité absolue d’articuler nos dispositifs cliniques au plus près des singularités psycho-corporelles des sujets que nous rencontrons.
Toujours dans la clinique de la personne âgée nos collègues italiens Lina BARBIERI et Manuela PESRICO que nous sommes particulièrement heureux d’accueillir dans notre revue développent de manière très argumentée après avoir évoqué les particularités et incidences psychomotrices de la sénescence, les nombreux intérêts de l’intervention psychomotrice auprès des personnes âgées.
Enfin Laurent BRANCHARD et Ana-Maria CARAGEA à partir d’une clinique des états archaïques complètent notre connaissance de l’image du corps et de ses perturbations sur une partie du corps peu étudiée et qu’ils dénomment « la couronne » représentant « le haut tout autour de la tête ». Ils postulent, à partir d’un matériel clinique riche, les enjeux psychiques des avatars dans le développement de l’investissement singulier de cette zone corporelle.
En vous souhaitant une bonne lecture.
Bernard ANDRIEU
Professeur en écologie corporelle et philosophie du corps à l’Université de Rouen et chercheur au CETAPS
EA 3832 CETAPS/ Université de Rouen
bernard.andrieu@univ-rouen.fr
Résumé :
La chronique de son corps malade est désormais produite par l’écriture de ceux et celles qui vieillissent. Cette écriture n’est plus seulement le résultat d’entretiens dont le verbatim sert de matériaux pour élaborer des items pour des évaluations et des questionnaires. La parole est dans ces textes en 1er personne à la fois personnelle et revendicative, en se montrant en camera subjective : le vieillissement y est décrit de l’intérieur d’une subjectivité avec l’intérêt d’une description embarquée (embodied) dans le corps. Il suscite l’intérêt des praticiens de santé et des travailleurs du soin en livrant des perspectives et problématiques éthiques jusque-là invisibles.
Mots clés :
Récits de soi - Auto-santé - Maladie en 1er personne - Éthique.
Wilfrid DEGAS
Psychomotricien.
Françoise GIROMINI
Psychomotricienne, diplômée en Philosophie, Professeure Associée et ancienne Directrice de l’I.F.P. de l’Université Pierre et Marie Curie, Faculté de Médecine Pitié-Salpétrière, Paris.
Résumé :
L’auteur évoque la constitution et le parcours de la Psychomotricité comme soin paramédical à travers quatre grandes périodes de son histoire de 1950 à nos jours. Elle envisage le développement de la Psychomotricité actuelle à partir de la formation psychocorporelle spéci que des praticiens et de la recherche clinique qui devra fournir la preuve incontournable du bien-fondé de leurs pratiques.
Mots clés :
Histoire - Psychomotricité - Psychanalyse - Philosophie - Neuro-sciences - Structures psychocorporelles - Recherche clinique.
Anne-Marie LATOUR
Psychomotricienne, service de pédopsychiatrie, Centre Hospitalier de Libourne (33). amlatour@free.fr
Résumé :
L’image du corps dans ses modalités les plus archaïques est difficile à saisir et pourtant par sa nature même, elle se donne à l’observation et permet de déployer des hypothèses pour la comprendre et la repérer. Parmi ces hypothèses les plus opérantes, celles de G. Haag s’attachent à montrer l’importance du nouage du sensori-tonico-moteur avec les expériences relationnelles du début de la vie dans l’organisation progressive du sentiment du corps propre, du moi et de l’objet. G. Haag dégage de façon très fine différentes étapes dans ce processus, et montre en particulier, dans une perspective psychopathologique, un certain nombre d’impasses développementales dans lesquelles restent fixés les comportements et intégrations des enfants autistes notamment. Elle réalisera avec d’autres cliniciens une « Grille de repérage clinique » (Haag et all ; 1995) dans laquelle les troubles de l’image du corps est mise en rapport avec d’autres aspects développementaux (affectifs, cognitifs, instrumentaux). Souhaitant contribuer à cette exploration de l’image du corps, cet exposé en présente un aspect spécifique issu de l‘observation clinique du travail en pataugeoire avec des enfants autistes. Ces observations étayent l’hypothèse d’une structuration précoce du moi corporel se formalisant de façon spécifique dans une image du corps de type tuyau, articulant déjà un sentiment d’axe et d’enveloppe. Celle-ci sera particulièrement examinée et mise en rapport avec les recherches de G. Haag et les observations cliniques en psychomotricité.
Mots clés :
Axe - Enveloppe - Moi-tuyau - Objets pré-contenants.
Bérengère TONNOT
Psychomotricienne DE. CH Le Vinatier, Lyon. berengeretonnot@gmail.com
Corentin GIDROL
Psychologue clinicien. CH Le Vinatier, Lyon
Résumé :
Les auteurs vous proposent de partager l’histoire de leur dispositif psychodramatique en psychiatrie du sujet âgé. Après avoir pris le temps de la rencontre entre les différents protagonistes, soignants et patients, de l’écoute des différentes craintes respectives, les auteurs rendent compte des adaptations du cadre qui ont pu faire évoluer la relation thérapeutique groupale.
Mots clés :
Psychodrame - Groupe - Médiation - Personnes âgées - Psychiatrie - Cadre.
Lina BARBIERI
Psychologue, psychothérapeute, psychomotricienne; Directrice du Centro di Psicomotricità de Lodi, Via T. Zalli, 28 – 26900 Lodi.
Email: lina.barbieri@centrodipsicomotricita.it
Manuela PESERICO
Psychiatre, psychothérapeute, responsable de 1° niveau à la Fondation IRCCS Policlinico di Milano, Université de Milano Bicocca. Galleria Buenos Aires, 15 – 20124 Milano.
Email: m.peserico@enter.it
Résumé :
L’intervention psychomotrice auprès de la personne âgée est une démarche efficace pour ralentir le processus de sénescence physiologique et la sénescence pathologique qui peut en découler.
Il s’agit d’une intervention relationnelle et de socialisation tout en douceur et graduelle, qui prend en compte non seulement les détériorations biologique et relationnelle mais aussi l’histoire de la personne et de son environnement.
Un des objectifs de cette intervention est d’empêcher que l’inertie motrice entraîne une inertie mentale, et pour faire en sorte que la personne âgée prenne du plaisir à se mouvoir et recrée du lien avec le mouvement, le psychomotricien doit savoir réveiller, avec beaucoup de tendresse et de respect, les temps intérieurs, les rythmes et les désirs personnels de chacun.
Le mouvement, le jeu et les échanges doivent se faire de façon individuelle et collective, sans aucune contrainte, en suivant tout naturellement le l des souvenirs, qui peuvent devenir des représentations du passé traduites en fables du présent.
Mots clés :
Psychomoteur - Réhabilitation - Vieux.
Laurent BRANCHARD
Psychomotricien, psychologue, doctorant en psychopathologie clinique, Laboratoire Cliniques Pathologique et Interculturelle, EA4591, Université de Toulouse 2 ;
5, allées Antonio-Machado 31058 TOULOUSE Cedex 9, l.branchard@wanadoo.fr
Ana-Maria CARAGEA
Infirmière, 3 impasse Légugnon, 64400 Oloron sainte Marie.
Résumé :
Dans une épistémologie psychanalytique et avec un matériel clinique issu de la psychiatrie infantile ; nous interrogeons la psychopathologie au regard de la « couronne ». La « couronne » est décrite comme la partie du corps « en haut autour de la tête » comme lieu qui ferait assise à une couronne. La « couronne » questionne l’humain dans un champ plus large que celui de la clinique. Dans notre épistémologie, nous envisageons la préoccupation pour la « couronne » en lien avec les angoisses archaïques, comme possible figuration autistique de l’ouverture ou de la fermeture du corps à son extrémité verticale. Quelques vignettes cliniques montrent diverses sollicitations de la « couronne » liées à la psychopathologie. Cette figuration est à étudier plus avant, alors que nous ne savons trancher entre une dynamique psychique de l’irreprésentable versus une pré-représentation.
Mots clés :
Psychopathologie - Figuration autistique - Corps - Perception.