Variations cliniques : Récits de cas singuliers
La revue thérapie psychomotrice -et Recherches- a toujours eu pour ligne directrice éditoriale d’accorder à la dimension clinique de la psychomotricité toute la place qui lui revient ce qui lui vaut probablement de la part des professionnels un engouement et une fidélité qui jusqu’ici n’a jamais été démentie.
Au moment où la clinique est mise à mal dans nos institutions où la logique administrative et son goût immodéré pour les protocoles et évaluations quantitatives nous éloigne inexorablement des préoccupations des sujets dont nous nous occupons, il devient plus que nécessaire de défendre l’idée que les savoirs cliniques fondée sur l’observation et l’analyse approfondie des cas individuels ou des groupes sont une richesse tant pour l’institution que pour le praticien.
Ces savoirs empiriques issus de la rencontre de deux corps et deux psychés ne sont en aucune façon substituables voire opposables à un savoir constitué fusse t’il paré de tous les attributs de la scientificité.
Il existe aujourd’hui une nécessité impérieuse à restaurer dans nos institutions la dimension clinique et intersubjective de nos approches. Une nécessité à ne plus considérer que l’individu pourrait être étudiée d’une façon isolée des enjeux interactifs et intersubjectifs sous prétexte que ces éléments sont au-delà de toute possibilité d’évaluation. Un nécessité de réduire l’écart entre décideurs, chercheurs et cliniciens.
Pour introduire ce numéro consacré à la clinique quoi de plus logique et stimulant que de commencer par un texte de Catherine POTEL. Ce texte est issu d’une conférence donnée avec le Dr Chauvet le 22 juin 2011, dans le cadre des conférences de formation à la psychanalyse de la SPP. Catherine POTEL nous y relate le parcours thérapeutique de Sybille une jeune enfant de 10 ans dont le corps est souvent mis à rude épreuve. Au-delà du cas singulier de Sybille avec le tact clinique qui la caractérise Catherine POTEL nous engage dans une réflexion plus générale sur « ce qu’un travail corporel peut avoir de spécifique pour favoriser la remise en chantier des symbolisations primaires si essentielles dans le processus de construction identitaire. »
Dans un texte issu d’une intervention aux journées d’études nationale des CMPP sur le thème de « L’enfant connecté » Roland OBEJI nous livre une réflexion clinique sur le rapport au corps singulier d’un adolescent de 13 ans. La place du numérique et du virtuel dans la vie des adolescents que nous suivons est ici posée et avec beaucoup de pertinence Roland OBEJI soulève la question centrale à laquelle nous sommes particulièrement confrontés : quid de la place singulière du corps dans cette fascination du virtuel ? Face à cette question qui suscite tant de débats entre nous, je vous laisse découvrir avec plaisir les pistes de réflexions ouvertes par Roland OBEJI.
Carole GETIN et Anne Chantal FERCHAUD nous font part dans cet article consacré à la clinique de l’adolescente anorexique prépubère de leur expérience et de la mise en place d’un dispositif thérapeutique dans le cadre d’une unité d’hospitalisation. Face à cette clinique du clivage si angoissante pour les familles et les soignants, l’articulation entre un dispositif institutionnel bien pensé et des thérapeutiques à médiation où la psychomotricité à toute sa place offre une réponse thérapeutique au plus près des caractéristiques de ces patients. La pertinence des propositions thérapeutiques ainsi que la richesse des réflexions cliniques soulevées par Carole GETIN et Anne Chantal FERCHAUD ne manqueront de susciter l’intérêt des lecteurs.
C’est autour de sa rencontre mouvementée avec Marie une jeune fille au comportement perturbateur que Laurent BRANCHARD nous propose une réflexion sur la spécificité du cadre psychothérapeutique en psychomotricité. Bien des psychomotriciennes et psychomotriciens se retrouveront dans la lecture de ce récit clinique où l’auteur avec une grande honnêteté n’a rien sacrifié de ses doutes et questions. Notamment les questions sur l’aspect psychothérapeutique des interventions en psychomotricité et sur la place à accorder aux interprétations verbales. Si comme le souligne avec justesse Laurent BRANCHARD « le cas singulier apporte plus de questions qu’il ne dévoile de vérités » nous lui sommes gré de la grande qualité et originalité de ses réflexions dans un domaine où pourtant bien des choses ont été écrites.
Enfin pour conclure cette première série d’écrits cliniques Yolande FRADET-VALLEE nous livre au travers plusieurs vignettes cliniques une réflexion d’envergure sur « les bienfondés des pratiques thérapeutiques à médiation corporelle ». En personnifiant ses récits Yolande FRADET-VALLEE nous livre une vision humaniste du soin en psychomotricité, qu’elle en soit ici remerciée.
Nous poursuivrons cette série d’écrits cliniques par les présentations de Lise MOLINA, Marion Bernard et Précylia BATISTA qui ont pour dénominateur commun d’appuyer leurs pratiques respectives sur le travail de « Structuration psycho-corporelle » dont s’inspirent de nombreux psychomotriciens dans leurs pratiques. En introduction de ces textes Benoit LESAGE praticien, formateur et auteur bien connu des psychomotriciens, nous livre le cadre historique et conceptuel dans laquelle se fonde la pratique psychocorporelle. Ces textes d’une remarquable qualité d’écriture même pour le clinicien ignorant du cadre conceptuel et pratique que constitue l’approche psycho-corporelle sont une source de réflexion permanente sur l’intérêt de l’engagement corporel dans le soin en psychomotricité. Ces écrits sont issus d’un ouvrage à paraître prochainement (1). Nous remercions les éditions Eres ainsi que Benoit LESAGE pour la confiance qu’ils nous ont accordée en nous permettant de publier certains de ces textes.
Dans la rubrique Hors-thème nos collègues suisses Nathalie SCHMID NICHOLS et Sylvie WAMPFLERBENAYOUN nous entrainent dans une discussion passionnée et passionnante sur la recherche en psychomotricité. A un moment où les enjeux sur le devenir de la clinique comme nous l’avons souligné en introduction passeront, n’en doutons pas, par une réorientation de la recherche au plus près de la clinique et des préoccupations de terrain, les propositions de Nathalie SCHMID NICHOLS et Sylvie WAMPFLERBENAYOUN en matière de recherche clinique méritent tout notre intérêt. Enfin nous retrouvons en guise de conclusion une réflexion de Laurent BRANCHARD sur une approche épistémologique de la psychomotricité qui prend tout son sens au regard des évolutions actuelles de la formation initiale en psychomotricité.
Bonne lecture à toutes et à tous
Catherine POTEL page 4
Psychomotricienne D.E. Thérapeute en relaxation analytique méthode Sapir.
Le texte qui va suivre présente le travail avec une enfant de 10 ans, au départ de la prise en charge, qui a pour symptôme des troubles de l’endormissement, et un corps qui se casse en permanence. Un suivi en psychomotricité est préconisé qui va se compléter par un travail de relaxation.
Comment passer de l’entrave (les plâtres) à une sensation d’enveloppement et de sécurité intérieure, voilà les enjeux de ce travail typiquement psychomoteur. Cet article est issu d’une conférence donnée avec le Dr Chauvet le 22 juin 2011, dans le cadre des conférences de formation à la psychanalyse de la SPP.
Mots clés :
Psychomotricité - Relaxation - Enveloppe - Contre-transfert.
Roland OBEJI page 12
Psychomotricien, CMPP APS et SESSAD APF de Saint Etienne. obeji@aol.com
A partir du suivi psychomoteur d’un adolescent, nous souhaiterions mettre en discussion une question que nous retrouvons de manière de plus en plus récurrente dans notre clinique.
Comment comprendre qu’un adolescent puisse être incapable de faire ses lacets, incapable de se repérer dans l’espace, alors que manette en main, il réalise à travers son héros virtuel des tâches d’une bien plus grande complexité ?
Autrement dit, pourquoi la manette plutôt que la main ? Pourquoi l’écran plutôt que le réel ?
Mots clés :
Adolescence - Jeux vidéos - Corps numérique - Activité réelle / activité virtuelle - Manipulation de l’objet - Agrippement - Éprouvés archaïques - Inhibition psychomotrice.
Carole GETIN page 22
Pédopsychiatre, Nantes.
Anne-Chantal FERCHAUD
Psychomotricienne, Nantes.
Au travers de cet exposé, nous souhaitons vous faire part de nos questionnements concernant la prise en charge de très jeunes patientes anorexiques. Il n’est pas question de « recettes » et mais d’échanger à propos d’une pathologie au traitement encore mal codifié. Nous ponctuerons notre propos de vignettes cliniques.
Mots clés :
Anorexie - Psychomotricité - Approche thérapeutique.
Laurent BRANCHARD page 38
Psychomotricien, psychologue clinicien, centre hospitalier des Pyrénées ; 29 avenue général Leclerc, 64039, Pau cedex. E-mail : l.branchard@wanadoo.fr.
La singularité de Marie a amené le psychomotricien qui l’a rencontré à moduler sa propre clinique singulière ; à moins que ce ne soit l’inverse ! Cet écrit vise à présenter un court suivi de thérapie psychomotrice, dans lequel ce qui se dit semble prendre une place inhabituellement importante par rapport à ce qui s’éprouve dans les corps. Pourtant, j’argumente que la clinique présentée reste une clinique de psychomotricité, par quelques spécificités préservées. L’ambiance inhabituelle de la rencontre avec Marie ainsi que le cadre et les interactions de cette rencontre interrogent le bien fondé ou les erreurs des interventions verbales du psychomotricien. Au risque de la rencontre, la bonne attitude comme l’erreur sont incertaines, alors que les réflexions hors la clinique, qui tendent à se raréfier, restent les moyens d’améliorer le tri entre ce qu’il fallait faire et dire, de ce qu’il ne fallait pas.
Mots clés :
Thérapie psychomotrice - Interprétation - Jeu - Attitude clinique.
Yolande FRADET-VALLÉE page 52
Psychomotricienne et Psychologue Clinicienne.
Dans ce texte, l’auteur organise des repères autour du rôle des expériences corporelles dans la construction psychique et la structuration intellectuelle de l’enfant. Les données contemporaines sont articulées à un récit de vie. La particularité de certaines interactions susceptibles d’entraver les processus de développement de l’enfant apparaît dans l’exposé de quelques présentations cliniques. Enfin le recours à des thérapies à médiation corporelle est présenté comme une ressource essentielle pour la relance des processus développementaux et le soutien à l’autonomisation et à la socialisation.
Mots clés :
Psychomotricité - Expérience corporelle - Médiation corporelle - Construction psychique.
Benoît LESAGE page 62
Docteur en Sciences Humaines, médecin, danseur, danse-thérapeute, chargé de cours au cursus de psychomotricité de Paris VI-Salpêtrière, maître de conférences. Formateur, directeur d’un cycle de formation en danse-thérapie/structuration psychocorporelle (IRPECOR).
Les textes qui suivent sont extraits d’un livre « Corps : Structure, Mouvement et Relation » à paraître aux Editions Eres (Automne 2012), dont le propos est d’interroger la pratique globalement désignée comme « Psychocorporelle », qui regroupe un ensemble de propositions dont s’inspirent nombre de psychomotriciens.
Ils viennent depuis de nombreuses années suivre les stages de formation que j’organise, m’invitent dans leurs colloques, revues, dans leurs instituts de formation où encore dans leurs établissements pour des analyses de pratique. A leur contact j’ai appris beaucoup, notamment à intégrer dans la lecture clinique des éléments issus de leurs champs théoriques de référence propres. Lorsque j’ai lancé un appel à contribution pour ce livre, proposant à qui voulait de m’envoyer des textes cliniques se rapportant à la pratique psychocorporelle, seuls des psychomotriciens ont répondu…
Lise MOLINA page 68
Psychomotricienne, Formée en Danse-Thérapie (Irpecor), Thérapeute en Shiatsu (Nonindo).
Dans le travail du psychomotricien en Psychiatrie Adulte, la recherche d’un juste équilibre entre mobilisation du patient et respect de ses défenses permet une évolution de celui-ci. Le travail de structuration psycho-corporelle (jeux sur les structures du corps, va et vient entre conscience corporelle et précisions anatomiques, ainsi qu’attention portée aux résonnances émotionnelles, psychiques, imaginaires) peut nous y aider. Ce travail peut prendre la forme d’un chemin de la tête aux pieds : lâcher le “mental” pour accéder à un ressenti plus précis.
Mots clés :
Structuration psycho-corporelle - Anatomie - Processus défensif - Différenciation.
Marion BERNARD page 76
Psychomotricienne. Tiré du mémoire présenté au D.E. de psychomotricienne « Le corps-maison, étayage du sentiment d’unité et de continuité (Expérience d’un groupe de structuration psychocorporelle avec des patients schizophrènes)- Juin 2009.
Les patients schizophrènes souffrent d’une désorganisation interne qui altère leurs rapports avec le monde extérieur. Au sein de l’hôpital de jour, le groupe de structuration psychocorporelle proposé par la psychomotricienne consiste en une exploration des structures anatomofonctionnelles. Les patients sont invités à créer du lien entre les sphères sensorielles, posturomotrices, émotionnelles et relationnelles. Ce groupe vise à la construction ou reconstruction de repères internes fiables qui nourrissent le sentiment de « corps-maison ». Dans ce cadre et ce dispositif, les patients entrent dans un processus de création qui s’étaye sur une unification des vécus et représentations.
Mots clés :
Structuration psychocorporelle - Schizophrénie - Étayage - Intégration - Création.
Précylia BATISTA page 86
Psychomotricienne
Le parcours thérapeutique évidemment inachevé d’Idir pourrait être analysé avec différents outils de référence. J’ai choisi de développer ma réflexion autour de l’accompagnement de cet enfant dont le corps a été abîmé dans le réel et dans sa représentation par l’expérience traumatique de l’inceste. Je me suis interrogée sur la place possible de la médiation corporelle dans cet accompagnement spécifique. Les outils de référence de la psychomotricité (dans cette étude de cas : la structuration psychocorporelle, la danse thérapie, le jeu spontané) auront permis d’opérer une lecture de la rencontre et des symptômes à différents niveaux. Je décrirai les différents outils que j’ai été amené à utiliser, à inventer en collaboration avec l’enfant, les autres intervenants, afin d’encourager l’émergence d’une certaine mise en forme symbolique (nouvelle lecture) des traces traumatiques. Une symbolisation des vécus corporels qui fera par ailleurs régulièrement retour au cours des séances pour mettre au travail la corporéité de cet enfant et ré-aménager son image à travers le lien à l’autre.
Mots clés :
Traumatisme psychocorporel - Trace - Représentation - Médiation corporelle - Danse thérapie - Systèmes du corps - Accordage - Mise en forme symboliques.
Leila Ben Hadj page 95
Bonjour,
Je suis étudiante en dernière année bachelor, à la Haute Ecole de Travail Social, à Genève. Actuellement, j’entame mon travail de mémoire sur une maladie rare, le Syndrome de Prader-Wili. En effet, cette maladie peu courante et d’origine génétique a un impact important sur le développement psychomoteur de l’enfant. J’aimerais beaucoup développer ce sujet en démontrant les bénéfices que la thérapie psychomotrice peut apporter à ces personnes atteintes de ce syndrome encore méconnu. C’est pourquoi, je suis à la recherche de professionnels, en particulier de psychomotriciens-ennes, qui auraient déjà eu l’occasion de travailler avec ce type de personnes et me faire part de leurs expériences.
Je vous remercie d’avance et vous prie de me contacter à l’adresse e-mail ci-dessous,
leila.benhadj@etu.hesge.ch.
Cordialement,
Leila Ben Hadj
Nathalie SCHMID NICHOLS page 96
Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, chargée de cours dans le cadre de la Filière psychomotricité, HES-SO, HETS-Genève. nathalie.schmid-nichols@hesge.ch
Sylvie WAMPFLER-BÉNAYOUN
Psychomotricienne indépendante est également chargée de cours dans le cadre de la Filière psychomotricité, HES-SO, HETS-Genève. sylvie.wampfler@hesge.ch
Les références au modèle bio-psycho-social de Julian de Ajuriaguerra permettent d’intégrer différentes approches théoriques. Serait-il possible de prétendre à l’opérationnalisation de celui-ci ? L’organisation psychomotrice peut-elle faire l’objet d’une recherche ? Voici deux questions que les auteures se sont posées à tour de rôle.
Nathalie Schmid Nichols et Sylvie Wampfler-Bénayoun se sont rencontrées il y a un peu plus de 15 ans dans le cadre de leurs activités cliniques respectives. Dans le cadre de leurs enseignements au sein de la Filière des thérapeutes en psychomotricité de la HES-SO (HETS-Genève), elles ont eu l’occasion de collaborer et de développer une réflexion ; celle-ci les a conduites à publier différents écrits. Elles ont souhaité partager la conversation qui va suivre avec les lecteurs de la revue Thérapie psychomotrice -et Recherches-.
Mots clés :
Recherche en psychomotricité - Organisation psychomotrice - Coordinations - Ajustements - Anticipation - Étude longitudinale.
Laurent BRANCHARD page 108
Psychomotricien, psychologue clinicien, centre hospitalier des Pyrénées ; 29 avenue général Leclerc, 64039, Pau cedex. E-mail : l.branchard@wanadoo.fr.
Le texte tente de présenter la question originelle et originale de l’épistémologie de la psychomotricité. De nombreux débats non tranchés semblent exister dès la naissance de la psychomotricité et n’ont pas nécessairement vocation à se clore. Les pistes de réflexion proposées par Murcia pourraient bien être encore d’actualité. Cette question s’éclaire aujourd’hui des modifications des pratiques des psychomotriciens et du cadre légal du paysage « psy ». Si tous les points de vu se respectent puisque partiels, ils sont aussi partials et il semble que les psychomotriciens ne puissent éviter un débat qui semble difficile à entamer. Enfin, le texte se termine sur une utopique imagination de troisième cycle en psychomotricité, qui viendrait nourrir les débats et enrichir les interactions avec les autres disciplines des sciences humaines.
Mots clés :
Psychomotricité - Épistémologie - Évolutions historiques - Titre - Pratique.