Colloque « nos emplois de demain », Allocution de Nora Berra du 16/10/09

« Madame la Secrétaire d’Etat, chère Valérie,

Monsieur le Secrétaire d’Etat, cher Laurent,

Monsieur le Délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires (Pierre DARBOUT),

Mesdames et Messieurs les représentants des administrations, des syndicats, des entreprises, des centres de recherche et d’analyse sur le travail et l’emploi, et la formation professionnelle,

Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureuse de pouvoir participer à ce colloque, car il est consacré à un sujet essentiel pour l’avenir de notre pays, celui des emplois de demain. Il me donne aussi l’occasion de mettre en lumière l’importance en termes d’activité économique et d’emploi, que représentent les aînés dans notre société.

C’est un aspect crucial dans la prise en compte des enjeux de mon Secrétariat d’Etat, que le Président de la République a souhaité créer pour accompagner de manière résolue, l’avènement d’une société de tous les âges.

Car le vieillissement de la population que je préfère appeler, de manière plus positive, « l’allongement de la durée de la vie », n’est pas seulement une question nationale, mais une donnée universelle, qui touche l’ensemble des pays. Elle est en train de changer la donne économique et sociale en Amérique du Sud et du Nord, en Europe, en Asie, en Afrique. Plus de 600 millions de personnes ont dépassé l’âge de 60 ans ! Je considère que c’est un véritable acquis pour l’humanité, et un tournant dans l’histoire de notre civilisation. C’est aussi un tournant dans l’économie nationale, car l’économie mondiale va forcément évoluer rapidement en fonction de ce paramètre nouveau.

Il faut avoir bien pris toute la mesure de cette nouvelle réalité, afin de pouvoir appréhender cette problématique des emplois de demain que vous avez décidé de traiter.

Permettez-moi, tout d’abord, de vous rappeler la situation nationale en termes de vieillissement de la population.

En 60 ans, le nombre de Français âgés de 75 ans et plus a été multiplié par 5. Ils sont aujourd’hui 5 millions. Ils seront 6 millions en 2015. 90% des Français âgés de plus de 60 ans sont en bonne santé ; 80 % des personnes âgées de plus de 85 ans sont autonomes et continuent de vivre une vie active, intégrée à celle des autres citoyens.

Ceux-ci disposent, dans leur majorité, de revenus réguliers et stables. Ils représentent, pour de nombreux secteurs économiques, des consommateurs-clés, dans les domaines du tourisme, de la construction et de l’immobilier, des services, de l’industrie. Ils sont aussi de plus en plus représentatifs de ces consommateurs « avertis » qui font évoluer très favorablement, qualitativement, notre économie et nos modes de consommation.

Les aînés jouent également un rôle majeur pour l’emploi, par leur capacité d’épargne, qui est essentielle à l’éclosion de nouveaux projets d’entreprises, à la stimulation de l’économie, et donc de l’emploi. Les personnes les plus âgées, dans l’entreprise, jouent un rôle essentiel : c’est celui de la continuité, de l’expérience. Je suis convaincue que les vieux réflexes des cabinets de recrutement qui vous classaient parmi les vieux dès l’âge de 40 ans, sont non seulement dépassés, mais aussi dommageables, humainement et économiquement. La preuve en est que de récents sondages indiquent clairement que, en France, nos aînés sont très bien perçus et estimés dans les entreprises, et par les plus jeunes au sein des entreprises. Le lien intergénérationnel, si vif dans les familles françaises, doit pouvoir désormais mieux vivre dans les entreprises. A ce sujet, permettez-moi de vous dire que le véritable enjeu – et je sais que tu ne me démentiras pas, cher Laurent – est de favoriser dans notre société, l’avènement d’un marché du travail plus inclusif, c’est-à-dire plus souple, plus adapté aux personnes, à leur parcours de vie, et aux mutations des entreprises. Permettez-moi à présent d’aborder la question du potentiel des emplois de demain qu’entraînera la prise en considération des aînés dans la ville et dans nos territoires. Ce potentiel est énorme. Pour ce qui concerne la ville, vous connaissez sans doute le programme international « Villes, amies de nos aînés », qui a le mérite de mettre en corrélation le constat mondial du vieillissement croissant de la population et celui d’une urbanisation généralisée. C’est pour en tenir compte que nous avons lancé en juillet 2009, Roselyne BACHELOT et moi-même, le label « Bien-vieillir » avec l’association des Maires de France et l’association parlementaire « Vivre ensemble ». L’adaptation de la ville aux aînés, dans tous ses aspects, représente un formidable gisement d’emplois pour demain : pour la création et la mise aux normes des logements, l’aménagement des espaces, la création des services de proximité, de transports, de loisirs. Le rapport sur l’habitat que Madame BOULMIER vient de remettre à Benoist APPARU est à ce titre révélateur. Le domaine de l’habitat constitue un véritable gisement d’activité et d’emplois à valoriser. Cette opportunité de création d’emplois sera démultipliée par la diffusion des normes HQE portée par Valérie Létard. Notre parc actuel de logements n’est en effet pas adapté, tant qualitativement que quantitativement, aux besoins naissants du vieillissement démographique.

Les entreprises doivent donc se préparer dès maintenant à ce marché de proximité lié à l’évolution de la ville et de l’urbanisme. Il en va de même de nos territoires, qui vont pouvoir profiter des migrations des aînés liées à la retraite. En effet, l’engouement des aînés pour nos régions littorales de l’Ouest et du Sud notamment, auront des conséquences en termes d’emplois qu’il faut prendre en compte dès à présent.

C’est une opportunité de voir s’organiser grâce à ce facteur, ce que les spécialistes appellent une « économie présentielle » dans nos territoires, avec de nombreux emplois non délocalisables. Celle-ci, en s’adaptant à la présence et aux besoins des aînés, va créer de très nombreux emplois, aussi bien en termes d’aménagement d’infrastructures que de services. C’est pourquoi je considère, Mesdames et Messieurs, cher Laurent, Monsieur le délégué interministériel à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, qu’il devient aussi nécessaire qu’urgent, pour nos régions et nos territoires, de se doter d’outils pour analyser les besoins, afin de rapprocher l’offre de la demande.

Permettez-moi enfin d’évoquer les potentiels d’emplois très importants que représentent les personnes les plus fragiles parmi nos aînés, qui, à partir d’un certain âge, ont besoin d’être accompagnées, soit dans la préservation de leur autonomie, soit dans leur dépendance. Actuellement, nous mettons tout en oeuvre pour que les personnes âgées puissent continuer à vivre le plus longtemps chez elles, à leur domicile, afin de préserver un vrai parcours de vie.

Ce moment de fragilité humaine nous amène à développer de plus en plus de services de soins infirmiers, d’aides ménagères à domicile, des métiers d’auxiliaires en gérontologie, ergothérapie, psychomotricité.

Ces services, qui sont générateurs d’emplois, de plus en plus qualifiés, auront un impact économique majeur pour les générations futures. Cette politique a permis de créer plus de 250 000 emplois de soins et d’accompagnement depuis le début de la décennie. Dans les 10 ans qui viennent, c’est près de 300 000 emplois supplémentaires qui pourront être créés, au service des personnes âgées.

Seuls les emplois « verts », Chère Valérie, connaîtront une croissance comparable.

Mais pour créer ces emplois, il faut impérativement améliorer l’attractivité de ces métiers : en effet, malgré le chômage, de très nombreux établissements pour personnes âgées rencontrent les plus grandes difficultés pour recruter des personnels qualifiés : il faut donc construire de véritables parcours professionnels assurant des perspectives de promotion à l’ensemble des professionnels.

Il faut aussi mobiliser l’ensemble des partenaires (collectivités territoriales, Etat, partenaires sociaux, organismes paritaires collecteurs agrées) autour de la formation initiale et continue dans le champ médicosocial.

Concernant la promotion de ces emplois, beaucoup sont considérés comme peu qualifiés. C’est pourquoi un comité de pilotage national a été installé en 2008 par Valérie Létard pour mettre en oeuvre le Plan des métiers, afin de valoriser ces métiers. Il a notamment pour mission un rôle d’appui et d’accompagnement des expérimentations mises en oeuvre dans 3 régions : Alsace, Centre, Nord Pas-de-Calais.

Il s’agit : d’identifier les besoins dans chaque région et de développer une offre de format adéquate, afin de faciliter le recrutement, de sécuriser le parcours professionnel, de mieux valoriser ces métiers.

Ces expérimentations permettront de dégager des enseignements transférables au niveau national, et de suggérer des éléments facilitateurs pour la mise en oeuvre de ces plans.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) consacre un budget de près de 8 millions d’euros pour accompagner les expérimentations dans ces trois régions.

La maladie d’Alzheimer est par ailleurs, vous le savez, un enjeu de santé publique qui est devenu un enjeu de société. Aujourd’hui, 860 000 personnes sont touchées par cette maladie. On diagnostique 160 000 nouveaux cas chaque année. En 2040, la maladie d’Alzheimer pourrait toucher plus de 2 millions de personnes dans notre pays. Pour moi, l’enjeu n’est pas simplement de créer des nouvelles places d’accueil dans les institutions, mais surtout de diversifier les modes de prise en charge. Pour faire face à ces deux enjeux, de nombreux emplois nouveaux devront être créés.

Mon objectif, d’ici à 2012, est de créer 25 000 places dans des pôles d’activité et de soins adaptés (PASA) pour les résidents souffrant de troubles modérés du comportement, et 5 000 places pour des unités d’hébergement renforcées.

Aujourd’hui, 35 000 emplois de services infirmiers à domicile sont déployés déjà sur notre territoire. Ma volonté est de renforcer ces services de soins, en mettant à leur disposition 500 équipes pluridisciplinaires.

Elles vont entraîner la création de nombreux emplois d’auxiliaires en gérontologie, ergothérapeutes, psychomotriciens.

L’élan de solidarité nationale que suscite la lutte contre l’Alzheimer, dont le Président de la République a fait une de ses priorités, constitue une prise de conscience de la société. Elle va développer considérablement, dans les années à venir, l’ensemble des gérontotechnologies.

Ces gérontotechnologies constituent un formidable enjeu humain, mais aussi ouvrent des perspectives de créations d’emplois. Nous sommes convaincus que la France, comme le Japon, peut en faire des produits d’exportation. Ceux-ci vont contribuer à créer de nombreux emplois en France et à équilibrer notre balance commerciale. Mesdames et Messieurs, permettez-moi, pour conclure, de vous dire que ce colloque est pour moi beaucoup plus qu’une opportunité de vous informer sur les emplois nouveaux qu’offrent nos aînés.

A la mesure de ces potentiels d’emplois nouveaux, nous entrevoyons aujourd’hui la préfiguration d’une société nouvelle, une société de tous les âges, qui, non seulement ne se déchirera pas, mais fera vivre en symbiose et en harmonie les talents, les idées et les générations. Je vous souhaite de fructueux travaux ».

 

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